Comme vous le savez, un projet urbanistique est en train de voir le jour. Comme annoncé dans un précédent message, une réunion a eu lieu ce 2 avril dernier pour présenter le projet. Nous avons évidemment des questions et observations concernant ce projet. Vous trouverez ci-après le texte de la lettre que nous envoyons ce jour aux autorités compétentes.
Concerne: Domaine de la Chartreuse, ZACC n°11, Rapport Urbanistique Environnemental
Messieurs, Présente depuis 1986 sur le domaine de la Chartreuse, notre association a pour but l’étude, la sauvegarde et la mise en valeur du site de la Chartreuse. De ce fait, nous sommes vivement intéressés par les projets urbanistiques qui semblent vouloir se dessiner dans le domaine. Dans le cadre de l’enquête publique concernant le Rapport Urbanistique Environnemental préalable à la mise en œuvre de la ZACC n°11 du domaine de la Chartreuse, nous avons assisté à la séance d’information qui s’est déroulée ce 2 avril 2008 au local du Comité de Quartier de Bressoux Haut. Nous vous prions de trouver ci-après les différentes observations et questions que nous formulons suite à ce que nous avons appris lors de cette réunion. 1 : Le projet urbanistique en général L’ASBL « La Chartreuse » n’a jamais été, et n’est toujours pas favorable à une urbanisation du corps de place de la Chartreuse. Malgré toutes nos tentatives de rallier le pouvoir politique à notre cause, nous aurons donc des logements dans le corps de place. Soit. A défaut donc d’avoir ce que nous voulions, essayons au moins que ce que nous aurons soit de qualité et respecte l’aspect historique du lieu. Selon les informations dont nous disposons, confirmées par vos services lors de la réunion du 2 avril, le projet urbanistique comprendrait 400 logements, soient 900 personnes. Or, si nous savons que MATEXI a acheté la majeure partie du domaine pour 2 millions € environ, des investisseurs italiens ont acheté la société GERARDRIE IMMO, dont les seuls avoirs à notre connaissance sont une partie du domaine de la Chartreuse, pour 3 millions €, soient 50% de plus pour un terrain plus petit, et qui comprend les bâtiments du réduit, le « cheval mort » du domaine. Notre crainte est donc que GERARDRIE IMMO ne fasse pression sur vos services pour augmenter la densité de population afin de rentabiliser son – trop coûteux – investissement. La volonté de la Ville de Liège est de faire revenir des familles à Liège, familles avec deux ou trois enfants, et si la barre maximale des 400 logements est dépassée, il ne restera pas assez de place pour construire des habitations suffisamment spacieuses. Nous craignons donc que dans ce cas de figure, le projet ne soit réduit à une accumulation de clapiers, trop petits pour offrir des logements de qualité à des familles avec enfants. Le résultat risque don d’être l’inverse des vœux des autorités communales. La question que nous posons est de savoir si la Ville de Liège a le pouvoir – et la volonté – de s’opposer à une densification de l’habitat. Nous nous posons également des questions sur la société GERARDRIE IMMO elle-même. En effet, nous avons essayé de prendre contact avec eux, via un courrier à leur siège social, mais en vain. De plus, si MATEXI a manifestement pignon sur rue (site internet, références, réalisations de grande ampleur, projets…), GERARDRIE IMMO nous paraît être bien discrète pour une société qui porte un projet d’une telle ampleur. Si nous comparons l’énergie dépensée par MATEXI et l’absence d’action concrète de la part de GERARDRIE IMMO, le contraste est spectaculaire. Nous craignons que GERARDRIE IMMO n’ait acheté le terrain pour spéculer. Et paradoxalement, alors que nous ne sommes pas particulièrement heureux que de voir apparaître de l’habitat dans le corps de place, c’est un abandon pur et simple du projet que nous craignons maintenant. Après quasi trente ans d’attente, le domaine a besoin maintenant, et de manière urgente, d’une restauration. Chaque année qui passe voit de nouveaux dégâts arriver. Nous craignons que GERARDRIE IMMO ne « laisse pourrir » son bien. Et la conséquence inévitable sera que MATEXI ne commencera pas son projet, voir l’abandonnera. Qui paierait aux environs de 250.000€ pour un appartement ou une maison située à côté d’une ruine dangereuse ? Si on ne veut pas handicaper l’ensemble de la réaffectation du site, il sera donc nécessaire de trouver une solution sérieuse pour les bâtiments du réduit. Et comme nous craignons que GERARDRIE IMMO ne soit pas pressée d’entamer ses travaux, il faudra bien que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités et envisagent d’exproprier le réduit. Nous rappelons au passage que nous défendons depuis 22 ans l’idée selon laquelle l’ensemble du domaine, au moins sa partie bâtie en tout cas, doit être géré de manière unitaire. La présente situation nous donne manifestement raison. 2 : Le fort hollandais Le problème du réduit propriété de GERARDRIE IMMO, c’est qu’il est inhabitable. Toute personne qui dirait le contraire mentirait (ou rêverait). Qui irait en effet dépenser 250.000€ pour habiter des locaux sombres, avec des murs d’1,4m d’épaisseur, et qu’il faudra chauffer toute l’année ? Et même, 250.000€ par logement suffiraient-ils pour transformer une forteresse en ensemble d’habitations ? Notre association s’est intéressée à la réaffectation d’autres fortifications ressemblant au réduit du fort de la Chartreuse et jamais nous n’avons vu de logements dans ces lieux. Nous avons visité le fort n°2, d’Anvers, dont les locaux similaires au réduit on été aménagés en bureaux, musée, salles de conférences, mais pas en logements. Nous avons constaté la même chose lorsque nous sommes allés visiter aux Pays-Bas les villes d’Utrecht, et de Naarden et, en Allemagne, de Julich. Bien sûr, on pourra toujours dire « il suffit de raser le réduit », tout en se fichant du patrimoine unique qui disparaîtrait ainsi. A ceci, nous répondons qu’il y a lieu pour celui qui conduirait une telle entreprise de bien réfléchir et de faire correctement ses calculs : lors de la démolition des bâtiments – semblables – de la Citadelle de Liège, deux entrepreneurs sont tombés en faillite. Les raisons, outre l’ampleur des travaux, sont que seules très peu de briques seront réutilisables (que ceux qui ne nous croient pas demandent à eux qui ont démoli les bâtiments sur le domaine de MATEXI) et que ce type de construction est beaucoup plus dure qu’il n’y paraît. Que faire alors ? Nous nous permettons de rappeler que l’ASBL « La Chartreuse » a, en son temps, réalisé une esquisse (rien de plus, faute de moyens) de projet d’affectation, y compris commerciale, des locaux du réduit. Peut-être serait-il utile de s’y intéresser enfin, et de nous demander notre avis à nous qui, pendant vingt ans avons utilisé les lieux ? Nous demandons quelles sont les pistes que compte suivre la Ville de Liège pour garantir la sauvegarde du réduit ? 3 : Les ouvrages extérieurs et les remparts La Ville de Liège a acquis en 1998 les remparts du fort et certains ouvrages extérieurs. Or, si ceux-ci ne sont pas encore tout à fait prêts à s’écrouler ils sont en mauvais état. Et il faudra dégager les moyens – considérables – pour les réparer, ou au moins dans un premier temps les protéger de la ruine complète. Si pour l’instant ils ne sont pas vraiment dangereux tant que le domaine est fermé, il en ira tout autrement lorsque 400 familles viendront habiter là. De plus, si les autorités communales imposent des prescriptions au promoteur, il est tout-à-fait normal que le promoteur exige de la Ville de LIEGE qu’elle mette en ordre ses propriétés. La Ville de Liège est-elle consciente des travaux à entreprendre quelles pistes compte-t-elle explorer pour financer la restauration des remparts ? 4 : Le parc des oblats et la « lande aux aubépines » Le parc des Oblats a été acheté par la Ville de LIEGE en 1993 et ce qu’il est convenu d’appeler la « lande aux aubépines » en 1998. Or, depuis, à part quelques actions ponctuelles et largement insuffisantes initiées par l’ASBL « LA CHARTREUSE » et par la Cellule Environnement de la Ville de LIEGE, rien n’a été fait. Il est nécessaire de gérer convenablement, et sur le long terme, l’ensemble des lieux, sous peine, notamment, de voir se reboiser entièrement la lande aux aubépines, et ainsi de menacer la biodiversité du lieu. De plus, le parc et la lande demandent un minimum d’entretien tel que l’abattage et l’évacuation d’arbres dangereux, le ramassage d’immondices… Et pour l’instant, nous sommes loin d’une situation idéale. Quels sont les moyens que la Ville de Liège compte dégager pour assurer une gestion cohérente des lieux ? L’ASBL « LA CHARTREUSE » est bien entendu candidate à être partenaire de la gestion de l’endroit, mais elle est parfaitement incapable d’assurer seule cette mission. Nous sommes en effet capables de dégager un arbre qui barre un chemin, de défricher des sentiers ou de ramasser des immondices ça et là, mais seuls, nous ne sommes pas capables d’en faire beaucoup plus. Il y a une vingtaine d’années, une réserve éducative avait été créée sous l’impulsion de l’ASBL « Education – Environnement » et un comité d’accompagnement avait été mis sur pieds. Nous avons toujours regretté que ce comité tombe dans l’oubli et nous pensons indispensable de réfléchir à une future structure s’inspirant de ce comité d’accompagnement. 5 : Le plan de circulation Nous avons été quelque peu étonnés du plan de circulation proposé lors de la réunion du 2 avril.En effet, certains problèmes sont négligés ou ignorés. Les problèmes que nous identifions sont les suivants : a – Le thier de la Chartreuse Selon la personne qui a présenté l’étude, il faudrait « éviter le trafic de transit » dans le thier de la Chartreuse, mais sans esquisser de solution. Or, le thier sera LE gros problème. En effet, déjà à l’heure actuelle, le thier est fréquenté par beaucoup plus de véhicules que par ceux de la centaine d’habitants qui y résident. Et ce ne sont pas les panneaux d’interdiction de circuler sauf circulation locale qui impressionnent qui que ce soit. Nous rappelons que nous sommes propriétaires de l’arvô du thier de la Chartreuse, et que nous occupons régulièrement les lieux. A ce titre, nous avons tout le loisir de constater que le trafic qui passe sous nos pieds est tout sauf négligeable. Nous nous étonnons qu’aucun comptage de véhicules n’ait été réalisé à cet endroit. b – Le carrefour « Rue des Fusillés » La personne qui a présenté l’étude prétend qu’une régulation du trafic par feux rouges et mise à sens unique de la rue des Fusillés serait une solution. Ce serait trop simple. Déjà à l’heure actuelle, le matin, le quartier de la Chartreuse se « vide » non pas seulement par la rue des Fusillés, mais aussi par la rue des Eglantines, très étroite, même si il est prévu de la mettre en sens unique, la rue Cardinal Cardijn, la rue Lamarche toutes deux très étroites également, et bien-sûr le thier de la Chartreuse. Or, en fonction du prix moyen des logements dans le domaine de la Chartreuse, on peut raisonnablement penser qu’il y aura une moyenne de deux voitures par ménage et que les habitants voudront gagner les autoroutes, soit à Wandre, soit aux Grosses Battes. Les gens qui s’égailleront le matin par ces rues voudront donc descendre. Pour atteindre Wandre, il faut traverser la RN3, en plein tournant pour ce qui concerne les rues Cardinal Cardijn et Lamarche. Est-il concevable de placer un feu rouge à chaque carrefour ? Le soir, le problème inverse se présentera, évidement. Et ne nous leurrons pas : il est encore loin le temps où les classes moyennes et aisées, qui habitent le quartier existant et qui habiteront le futur quartier Chartreuse, abandonneront leur voiture. De plus, le TEC a pour intention de supprimer le seul bus qui passe dans le quartier de la Chartreuse. Ne faudrait-il pas associer le TEC à l’étude de mobilité ? c – La rue Achille Lebeau Dans l’étude qui nous a été présentée, il n’est tenu aucun compte des véhicules qui quitteront le domaine via la rue Achille Lebeau, déjà très encombrée par les voitures ventouses de l’école toute proche. Or, l’accès naturel à l’E25 et à l’E40 (via le tunnel de Cointe) passe par cette rue et l’avenue Sluysmans. De plus, un itinéraire « bis » vers le centre ville passe par l’avenue de Péville. Il nous semble donc nécessaire d’étudier aussi l’impact sur ces rues. d – Le trafic de transit thier de la Chartreuse – rue Achille Lebeau Quel que soit le projet final, il y aura au moins deux entrées au domaine : à la place de la conciergerie, côté thier de la Chartreuse » et par ce qu’il est convenu d’appeler «l’entrée secondaire », rue Achille LEBEAU. Or, le carrefour de la rue des Fusillés, qui est déjà infernal aux heures de pointe à l’heure actuelle, ne sera pas désengorgé par la présence de feux de signalisation, bien au contraire. Donc, pour un habitant non seulement de l’actuel quartier de la Chartreuse, mais aussi de tout le quartier d’Amercoeur, il sera plus facile de gagner l’E25 vers les Ardennes via le domaine, plutôt que d’emprunter les quais de la dérivation et le quai des Ardennes. Il nous semble donc nécessaire d’étudier la circulation qui risque de se déverser jusque la rue du Fourneau via le carrefour de la place de la Liberté de Grivegnée, déjà fortement chargé aux heures de pointe. De la même manière, un habitant de Robermont, il sera plus simple de traverser la Chartreuse, puis d’emprunter la rue des Eglantines mise en sens unique et protégée par des feux pour rejoindre l’E25 à WANDRE. Nous pensons donc qu’il y aura un afflux tout autre que local dans le domaine. Nous nous étonnons que l’étude de mobilité ait ignoré ce problème. Nous craignons également que la mise en sens unique de certaines rues n’incite les automobilistes à avoir le pied (encore plus) lourd. 6 : La circulation piétonne De tous temps, le domaine militaire a constitué une « barrière infranchissable » enclavant le quartier de la Chartreuse et le coupant de Robermont et de Péville. Il nous semble donc nécessaire de favoriser le passage des piétons entre ces quartiers. Pour ce faire, deux poternes (tunnels) existantes dans le rempart permettraient de passer à pieds depuis le corps de place vers la plaine de l’école de Péville et ce qu’il est convenu d’appeler « la cuvette ». Leur ouverture ne présenterait pas de problème technique et elles sont en relatif bon état. Nous pensons également qu’un itinéraire de promenades devrait être remis en place dans le parc. Il y a une vingtaine d’années, l’ASBL « Education – Environnement » avait fait un travail tout à fait intéressant sur les propriétés de la Ville de Liège, mais hélas, vu le vandalisme – et le manque de moyens pour assurer l’entretien – presque plus rien ne subsiste (voir aussi le chapitre 4). 7 : L’aspect historique Les bâtiments du réduit, les remparts et les ouvrages extérieurs, du moins ceux qui restent, présentent un intérêt historique certain et un plus pour le domaine. C’est même en grande partie la raison d’être de l’ASBL « LA CHARTREUSE ». Nous considérons donc que de la même manière que les ouvrages de fortification doivent être restaurés, ils doivent pouvoir également être visités. L’ASBL « LA CHARTREUSE », qui organise des visites des lieux depuis 22 ans, est bien-sûr candidate à l’organisation des parcours et des visites, mais pas seule. Pour réaliser quelque-chose de présentable (édition de guides, tables d’orientation, expositions…) nous avons besoin de moyens dont nous ne disposons pas. Quels moyens la Ville de LIEGE entend-elle dégager pour développer l’attrait historique du domaine ? 8 : L’Aspect socioculturel a – les BM22 et 23 Lors de la Charrette urbanistique, le représentant de MATEXI a présenté l’ancien gymnase (BM23) comme destiné à devenir une salle de quartier. De la même manière, il entendait reconstruire la maison Lambinon (BM22) pour lui réserver un usage communautaire. Qu’en est-il ?Autre question : qui va gérer ces lieux et comment ? L’ASBL « LA CHARTREUSE » n’ayant pas pour but de se substituer à un comité de quartier, elle ne peut pas revendiquer la gestion d’un tel outil, mais nous pensons que le Comité de Quartier de Bressoux-Haut, qui a une expérience certaine de l’organisation de manifestations à caractère local, devrait être associé à cette gestion. b – les dalles bétonnées dans la lande aux aubépines Lors d’une visite sur place, Michel FIRKET, rejoignant pleinement nos vues à ce sujet, voulait que ces dalles soient sécurisées (fermeture des trous, nettoyage, éventuellement une nouvelle dalle) de manière à pouvoir devenir une aire de jeux et de détente. L’ASBL « LA CHARTREUSE » élabore un projet d’aménagement des lieux, projet qu’elle voudrait voir intégré dans l’aménagement du domaine. Nous pensons que pour des montants raisonnables, qui pourraient être ventilés sur plusieurs années, il y aurait moyen d’aménager les lieux pour en faire un espace polyvalent. Bien-sûr, pour ce faire, il sera nécessaire que les autorités communales prennent enfin leurs responsabilités quant aux gens qui squattent l’ancienne conciergerie.Il s’agit d’un ensemble de bâtiments insalubres, comme constaté par les agents du SSPE, et où des activités illégales, en contravention notamment avec l’arrêté de classement du site, sont constatées depuis des années. Nous vous souhaitons bonne réception de la présente et nous vous prions de croire, Messieurs, en l’expression de nos sentiments les meilleurs. Pierre Michaux, administrateur |
Publié le 10 avril 2008
Mis à jour le 5 août 2023
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